Ça y est, je viens de le finir... Je l'avais évoqué déjà, malheureusement, pas un coup de coeur cette fois-ci... On en a pas mal parlé lors de la rentrée littéraire, il a eu le prix Médicis et je dois reconnaître que c'est un bon livre pourtant, mais il me laisse une impression mélangée.
Tout avait pourtant bien commencé. Je connaissais Sylvain Tesson comme ami et compagnon de voyage d'Alexandre Poussin. Son projet - s'installer pendant 6 mois dans une cabane en Sibérie, pour trouver par la contemplation d'un seul endroit ce que ne lui avaient pas apporté ses voyages - me parlait. Et résonnait avec mon tournant à moi, qui ai quitté la ville et la course folle d'un métier qui me passionnait mais me pompait toute mon énergie pour la campagne et une certaine forme d'isolement, aussi - toute relative, en étant dans un village où la solidarité n'est pas un vain mot, mais une forme d'isolement quand même, celui de la maman qui s'occupe à plein temps de son tout jeune enfant, dans un village où le seul "magasin" est un restaurant-dépôt de pain...
Qu'avait-t-il trouvé là-bas ? Comment ce séjour l'avait-il changé ? J'avais le sentiment que ces réponses pourraient éclairer ma propre vie...
Ensuite, reconnaissez que j'étais dans les conditions idéales : -15° dehors (avec un vent glacial), une panne de chauffage grâce à laquelle je pouvais passer mes journées à me (ré)chauffer près du poêle, un beau paysage d'hiver...
Et les premiers chapitres ne m'ont pas déçue. "La marque Heinz commercialise une quinzaine de variétés de sauce. Le supermarché d'Irkoutsk les propose toutes et je ne sais quoi choisir. (...) Quinze sortes de ketchup. A cause de choses pareilles, j'ai eu envie de quitter le monde". Comment résiter à un début pareil ?
Mais très vite, une chose est apparue, de plus en plus clairement au fil des pages : Sylvain Tesson et moi avons des visions radicalement différentes de la vie et du monde. Vivre seul, pour soi, sans souci des autres, cette liberté des heures où personne ne vous demande rien, c'est à l'opposé de ma vie de maman et de ma vie tout court.
Les jours passent et il s'attache à les vivre au jour le jour, attentif à la beauté et à l'éphémère. Jour après jour, j'essaie de construire quelque chose.
Les siens ne semblent pas lui manquer, et surtout il parle bien peu de ce qu'ils font eux, de si lui leur manque. J'ai le souci (parfois pas assez) de comment vont les gens que j'aime.
Et puis, j'ai eu l'impression que tout cela reposait un peu sur une imposture. Si cette vie en cabane, loin de tout et de tous, était le bonheur parfait, pourquoi ce bonheur était-il accompagné d'autant de litres de vodka ? J'ai du mal à croire à la plénitude et à la paix qui a besoin de se noyer dans l'alcool... Oh, ce n'est pas du puritanisme, non, je ne lui en voudrais pas d'abuser de la vodka s'il n'expliquait pas par ailleurs la supériorité de sa vie (et en quelque sorte, sa supériorité) par rapport à celle des pauvres gens qui vivent dans la civilisation...
Je dois dire quand même que c'est superbement écrit, que j'ai beaucoup aimé ses métaphores souvent porteuses de sens, sa manière de décrire la nature... Je crois que pour quelqu'un qui vit en ville, ça doit faire un bien fou, de lire ça. Enfin, la misanthropie en moins, peut-être.
Finalement, la première phrase du quatrième de couverture dit tout - mais j'évite de lire les quatrième de couverture, elles en disent souvent trop - "assez tôt, j'ai compris que je n'allais pas pouvoir faire grand chose pour changer le monde". Moi, je crois que chacun peut changer le monde. Oh, pas beaucoup, juste un peu autour de lui ; mais c'est déjà pas si mal, non ?
"Dans les forêts de Sibérie" de Sylvain Tesson, un livre qui n'était pas du tout pour moi, en fait... mais que je suis malgré tout contente d'avoir lu - parce que quand même, souvent, c'est beau. Et une troisième lecture pour le Challenge 1% rentrée littéraire.